CSF Magazine n° 121 - Service publics : pourquoi les Français les aiment !

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Service publics : pourquoi les Français les aiment !

Les services publics, une tradition bien française

“ Les Français savent ce que serait leur pays sans service public.”

Longtemps, ces services publics, ses fonctionnaires et ses agents, ont été critiqués voire méprisés. L’heure était à exalter le profit individuel, les entreprises privées qui réussissent, les start-up… en oubliant trop souvent que ce tissu vivant et ces initiatives innovantes ne peuvent prospérer sans un environnement favorable : celui que crée un bon système éducatif aussi bien qu’un bon réseau routier, une sécurité garantie aussi bien qu’une politique de santé publique performante. Et dès lors que le pays est confronté à un drame, que ce soit le terrorisme islamiste ou la pandémie de la Covid,cette vérité éclate au grand jour.

Nos compatriotes ne s’y trompent guère : près de trois-quarts des Français se déclarent satisfaits de la qualité de l’offre de services publics dont ils disposent (72 % selon un sondage Odoxa de septembre 2019). Et ces indices de confiance vont même jusqu’à 78 % pour les services de santé publique, 78 % pour les forces de l’ordre. Pourquoi les Français aiment-ils ainsi leurs services publics ? Peutêtre parce que, internet et télévision aidant, ils savent ce que serait leur pays sans service public.
Peut-être parce que l’idée d’égalité, profondément ancrée dans les consciences citoyennes depuis la Révolution française, leur fait préférer l’égal accès pour tous aux services publics plutôt que la ségrégation par l’argent. Bien sûr l’esprit critique est toujours présent à l’esprit des Français, qui ne rechignent pas à critiquer vertement les défauts de nos administrations et de nos fonctionnaires. Mais ils ne perdent pas de vue l’essentiel. Voilà pourquoi les idéologues ultra-libéraux, inspirés par les thèses venues des États-Unis, ne parviennent pas à convaincre.



L’école, les portes de la liberté


Laïque, gratuite et obligatoire ! Des générations d’écoliers ont appris la formule fondatrice de Jules Ferry formulée dès 1881. C’est qu’il avait un temps d’avance. L’école gratuite -ou quasi gratuite-, de la maternelle à l’université, c’est une banalité pour nous. Elle n’est pourtant pas partagée par tous les pays qui nous entourent. Nos voisins britanniques par exemple n’ont pas fait ce choix. Les études supérieures sont payantes en Angleterre, et les frais de scolarité sont élevés. Ces frais annuels pour l’Université d’Oxford ou celle de Cambridge par exemple s’élèvent de 10 000 à 13 000 €. Certes il existe des universités moins chères (en Irlande du Nord, autour de 4 130 €, et en moyenne 2 100 € en Écosse), mais comment éviter que ne s’établisse une hiérarchie entre établissements, fondée sur la valeur de l’enseignement, aux deux sens du mot « valeur » ? Même choix aux États-Unis où l’enseignement supérieur coûte très cher. L’usage est donc de contracter un emprunt pour pouvoir payer ses études ; un emprunt que l’on rembourse ensuite dès qu’on commence à travailler, et cela souvent durant 20 ans.

À titre d’exemple, l’ancien président Barack Obama qui avait terminé ses études en 1983 a fini de rembourser son « prêt étudiant » en 2003… Les frais annuels dans une université américaine sont de l’ordre de 34 000 €. Si vous visez les plus célèbres établissements, sachez qu’une année à Harvard coûte près de 59 000 €, plus de 61 000 € au Massachussets Institute of Technology. Le choix de la quasi-gratuité pour l’enseignement public en France est une arme contre les inégalités sociales. Bien sûr, la gratuité n’est pas totale, car il y a des droits d’inscription à régler et les syndicats d’étudiants s’opposent régulièrement à leur augmentation. Mais pour être équitable, voyons les chiffres : 170 € pour une année en cycle de Licence ; 243 € pour une année en cycle de Master ; 601 € pour une année de cursus en formation d’ingénieur dans un établissement sous tutelle du ministère en charge de l’enseignement supérieur ; 380 € pour une année de Doctorat.

Rien de comparable donc entre le service public à la française et les systèmes britannique ou américain. Gratuite ou quasi-gratuite, l’école publique en France est depuis Jules Ferry laïque. Certes à l’époque, il s’agissait de veiller à ce que l’Église catholique n’interfère pas dans les programmes et que la distinction entre religion et enseignement soit bien marquée. Mais cette laïcité est devenue aujourd’hui un bien encore plus précieux. Il y a en France de nombreuses religions dont le culte est libre : catholicisme, protestantisme, orthodoxie, judaïsme, islam dans ses différentes variantes, bouddhisme, hindouisme, … et les athées ou les agnostiques sont fort nombreux! Que tous les enfants de France soient assis sur les mêmes bancs de l’école est la grande réussite de cette laïcité à la française.
Et c’est la tâche merveilleuse des enseignants d’élever chaque enfant (c’est pour cela qu’on les nomme « élèves ») au-dessus des particularités de son milieu, pour cultiver ce que tous ont en commun et en faire des citoyens. L’immense émotion qui a saisi le pays à la nouvelle de la décapitation d’un professeur par un fanatique islamiste, parce qu’il apprenait à ses élèves le contenu de la liberté d’expression, est révélateur : les Français sont attachés à l’école et à la laïcité. Ils savent qu’elles ouvrent les portes de la liberté. “ Le choix de la quasigratuité est une arme contre les inégalités sociales.”

Soigner l’hôpital


Pendant 20 ans, sans sourciller, les gouvernants, quelle que soit leur couleur politique, ont supprimé les lits d’hôpitaux. 100 000 très exactement. Qui précise ce chiffre ? C’est la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees), qui reprend des données du ministère de la Santé. La France est passée de 498 929 lits à 396 000. Et lorsqu’on évoque les « lits » d’hôpitaux, on traite principalement des effectifs hospitaliers. Car un lit, c’est d’abord une équipe médicale. On ne crée donc pas de lits en ouvrant une chambre jusqu’alors fermée : on ouvre des lits quand on recrute médecins, infirmiers et aides-soignants.
À l’origine de ce mouvement : la recherche d’économies budgétaires, en premier lieu. Depuis 1992 et le traité de Maastricht, les gouvernements des États membres de l’Union européenne ont décidé de limiter à 3 % les déficits publics. Ces orientations ont influé sur les budgets du ministère de la Santé et de l’Assurance Maladie.

Il faut y ajouter un esprit comptable, très éloigné de la préoccupation de service au citoyen : nous ne manquions pas de bons esprits pour affirmer que trop de médecins aboutissait à gonfler artificiellement les dépenses de santé, et que l’hôpital public devait être géré « à flux tendu » : inutile alors de maintenir des lits qui pouvaient être en sous-occupation… Le même raisonnement absurde a été tenu depuis 1971 pour limiter le nombre de médecins, par un numerus clausus… aboli seulement depuis 2019. Pendant que les déserts médicaux attendaient un praticien, l’État veillait à ne pas en augmenter le nombre, prétextant que plus il y a de médecins, plus il y a de dépenses de santé inutiles… On s’en doute : ces doctrines à courte vue ont explosé dès que la pandémie survint.

Il a fallu dans l’extrême urgence écarter tous ces dogmes pour accueillir jusqu’à 7 000 nouveaux malades chaque jour, organiser les transferts de région à région, voire vers la Suisse, l’Italie ou l’Allemagne. De même qu’il faut maintenir les moyens des pompiers quand il n’y a pas d’incendie, il faut préserver les capacités d’hôpital même en l’absence d’épidémie massive. Cela s’appelle un service public. C’est celui auquel sont attachés les Français. 71 % des Français interrogés par Harris Interactive pour Santéclair en ont une bonne image globale et 82 % estiment qu’il est accessible à tous. Plus de trois sur quatre jugent les soins de qualité et le personnel bien formé, mais la plupart des personnes sondées regrettent un maillage territorial insuffisant ainsi qu’un manque de moyens et de personnel.

Elles évoquent aussi souvent les temps d’attente aux urgences, qui révèle aussi le manque de médecins de ville. Ce n’est pas le service public qui est en panne ; c’est le manque de service public qui est en cause. Dans tous les reportages qui ont été diffusés à propos de l’hôpital face à la pandémie, chacun a été frappé du dévouement, du professionnalisme des personnels de santé. Se dépensant sans compter jusqu’à l’épuisement,se battant pour sauver des vies, ils étaient de magnifiques héros du quotidien, loin de la course au profit, au service de l’humanité. Car le service public incarne aussi des valeurs, celles qui permettent à une société de faire nation face à l’épreuve.